La pluie venait tout juste de s'arrêter. Un pâle rayon de soleil parvenait, enfin, à percer les nuages menaçants. Le ciel restait cependant couvert, menaçant, et les nuages gris, chassés par le vent, ne semblaient s'en aller qu'avec dépit. Les fines goutellettes d'eau s'accrochaient encore à la végétation, et la forêt était plongée dans un doux plic-ploc incessant. Moineau s'ébroua. Elle n'avait pas cherché à se mettre à l'abri lors de l'averse, bien que celle-ci fût plutôt intense. La louve était habituée aux conditions climatiques détestables, et ce n'était certainement pas une petite pluie qui allait l'empêcher de suivre la trace de sa proie. Bon... d'accord, l'averse avait effacé la majorité des odeurs et elle ne savait absolument pas par où sa proie était passée, mais bon. Chut, faut pas le dire. Une goutte d'eau se détacha soudain de la feuille d'arbre sur laquelle elle était, et tomba pile dans l'oreille de la louve.

" AAAAAAAH ! " rugit-elle, rabattant ses oreilles en arrières, une grimace fixée sur sa gueule.

* Mais qu'est-ce que c'est froid ! * pensa la louve, le corps parcouru d'un frisson.

En plus, lorsqu'elle était mouillée, la fourrure de Moineau avait une légère tendance à tripler de volume. Résultat, après que la louve se soit ébrouée, elle avait l'air d'une grosse pelote de poils ébourriffés, partant dans absolument tous les sens sans la moindre logique. Heureusement qu'il n'y avait personne pour la voir ainsi accoutrée. Parce qu'on avait presque du mal à se rendre compte qu'elle était bel et bien une louve.

Se remettant de la terrible goutte d'eau qui avait failli l'envoyer à terre, Moineau sauta aisément un arbre abattu qui lui barrait la route. Ses yeux brillèrent d'un fantastique éclat doré, avant que cette brève lueur de disparaisse, aussi furtivement qu'elle était apparue. En effet, les yeux de Moineau n'avaient la couleur du soleil que, justement, lorsqu'ils étaient éclairés par le soleil. Sinon, ils étaient plutôt châtains clairs. Et comme le ciel était encore très nuageux, il n'y avait du soleil que par intermittence. D'où le bref éclat doré. Moineau sembla réfléchir un instant, puis se retourna et bondit sur le tronc d'arbre, qui était suffisament solide pour supporter son poids - son coeur n'était pas encore complètement pourri. Plantant ses griffes dans l'écorce, la louve blanche leva la tête vers le ciel et huma le vent. D'accord, toute odeur de sa proie avait été effacée par la pluie, mais peut-être le vent lui en apporterait-il quand même la saveur. Soudain, la louve entendit un craquement. Un craquement de très mauvais augure. Elle baissa la tête, une lueur anxieuse dans le regard. Elle avait manifestement surestimé la capacité de l'arbre à supporter son poids. Dans un craquement puissant, l'arbre se cassa en deux - ou plus exactement, il tomba en morceaux là où la louve se trouvait. Et du coup, Moineau se retrouva par terre, des morceaux d'écorce un peu partout dans sa fourrure, ce qui lui donnait vraiment une drôle d'allure. Il y a des jours où il vaut mieux rester chez soi. Enfin... heureusement que personne n'était dans le coin.